Vendredi 14 juin 1940
Départ vers 5h 1/2.
Convois d'émigrés interminables, difficiles à dépasser. Le vélo de Marie Raulet est crevé, elle reste en arrière avec son mari et son fils. Nous suivons un petit trajet de grande route, à Vulaines ; les convois sont doubles : émigrés et soldats ! Nous quittons bientôt cette route, heureusement, car on craint les avions ! Traversée de la forêt d'Othe, avec pas mal de côtes. arrêtés dans un hameau, nous voyons Régina, de Salon. À Chaillet, gros bourg, nous trouvons par hasard de l'essance chez un boucher.
Déjeuner sur l'herbe. Et toujours des soldats en débandade, par deux, par trois, ou isolés ; où vont-ils ?
Direction de St-Florentin, pour savoir où nous devons nous rendre. Forte descente, beau paysage. À l'entrée de St-Florentin, presque impossible de passer tant il y a de véhicules. Nous arrêtons. Raymond va aux renseignements. C'est très simple : il n'y a rien de prévu !
Voilà les avions... nous nous cachons sous les arbres, vont-ils bombarder tous ces convois ? Non, ce n'est rien, mais nous ne voulons pas manger ici, nous allons jusqu'au pays suivant : Avrolles. Surprise ! Nous voyons Oudinet, il est du 64e, aurons-nous des nouvelles de Maurice ? Non, il ne l'a pas vu, c'est une fraction seulement du 64e qui est à Sens.
Nous dejeunons au café. Le tambour annonce qu'il faut évacuer les enfants. la situation ne s'améliore pas. Au sortir du pays voisin, nous voyons Suzanne Drothière toute seule, en vélo, ayant perdu sa famille. Nous nous dirigeons vers Auxerre : elle nous accompagne.
Il pleut fort. Arrivée à Seignelay : encore quantité d'émigrés et de soldats ; 2 alertes coup sur coup. Nous ne sommes pas bien ici ; nous préférons aller coucher au village suivant, moins important. C'est “Monéto”. Nous mangeons et couchons chez de vieilles gens, pas très propres peut-être, mais très obligeants : on nous fait des lits par terre. Ils se préparent du reste à partir, eux aussi ! Hélas ! Nous dormons bien mal, nous sommes mangés aux punaises !
Nous nous levons de bonne heure : la vieille met ses matelas [sur sa charrette] pour partir.
Des avions : bombardement violent pas très loin (nous saurons plus tard que c'est sur Auxerrre, Toucy, Chemilly !)
Cette voiture, à gauche, aurait pu être la nôtre...
(Bundesarchiv, Bild 146-1971-083-01 / Tritschler / CC-BY-SA)
NOTES
Salon : Salon est un village non loin de Fère-Champenoise. Régina était une “connaissance”.
Raymond : Raymond Raulet, le mari de ma tante Odette, qui conduisait la “Zèbre”.
Oudinet : Je n'ai pas identifié cette personne pour le moment (samedi 29 mars 2014).
Maurice : Mon père, alors “sous les drapeaux”.
Drothière : La personne chez qui ma mère était en pension quand elle fit ses études au “Cours Complémentaire” de Fère-Champenoise. Ses parents, Aline et George Payen, habitaient alors à Coolus, à quelque distance de Fère-Champenoise.
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