samedi 15 juin 1940
Il nous faut suivre un peu par la grand'route : quel encombrement ! Voitures, camions, par trois et quatre de front !
Enfin nous prenons la route prévue, moins importante : il y a encore des convois militaires malgré tout, puis l'essence baisse ! Au premier village - chance ! Nous trouvons de l'essence chez le boulanger qui liquide son stcock avant de filer. ! Il faut la prendre dans un fût avec un siphon, [mais] enfin, nous avons 5 litres.
À peine avons-nous terminé : les avions ! Nous nous cachons le long d'un mur sous des arbres, tout le monde est là, sauf Raymond et Jacques, partis en avant... On entend le tac-tac des mitrailleuses, tout près : est-ce pour nous ? Non, c'est un peu à gauche certainement au-dessu de la grande route quittée tout à l'heure !
C'est fini, nous repartons, nous rattrapons la “Zèbre”, ils n'ont rien eu non plus. Toujours des convois, on n'avance guère. Et voilà que la “Zèbre” n'arrive pas : pépère va au-devant, les voici qui reviennent tous en poussant la voiture : panne ? On l'attache derrière la “Peugeot” jusqu'au village suivant.
Dans une cour, Raymond démonte, nettoie... Ça remarche ! Après avoir fait quelques km., voilà que nous nous trompons de chemin avec R[aymond]. Cela ne va guère ce matin : il y a des côtes abruptes, des gros camions sont devant l'auto et qui grimpent presque au pas ; je suis en première, j'use mon essence si précieuse, et le moteur chauffe... Décidément, j'arrête un peu. Nous sommes soucieux, les soldats nous disent qu'il faut se hâter ! Nous nous retrouvons tous enfin à Ouanne ; nous mangeons au sortir du pays, près de la maison du maréchal[-ferrand], les enfants mangent à table chez ces braves gens.
Nous nous dirigeons vers Clamecy, c'est la grand'route ; il nous faut stationner au moins 1 heure, à un carrefour, pour laisser passer les autos militaires, puis nous faisons environ 3 km en une demi-heure : il faut s'arrêter à chaque instant et reprendre aussitôt que l'ordre en est donné. Nous arrivons à Courson : il est impossible de continue ainsi : le radiateur de la “Zèbre” chauffe et perd son eau ; il vaut mieux éviter Clamecy. Nous obliquons vers la droite après avoir remis de l'huile dans les autos. Suzanne Drothière est disparue et nous rencontrons les Raulet d'Epernay. Nous arrivons à Druyes les Belles-Fontaines (un beau château-fort !), les gens sont prêts à partir, jusqu'où nous faudra-t-il aller ?
On nous conseille pour coucher une ferme à 2-3 km. Malchance encore ! Odette et Dédé, déjà fatigués, ne prennent pas la même route que nous et font plusieurs km en trop avant de nous retrouver ! Nous avons une écurie vide pour coucher, puis la voisine, qui part dans la soirée, nous offre sa maison, une toute petite carrée*, nous y mettons de la paille, souper rapide et coucher. Toute la nuit des convois passent sur la route : autos, motos, camions. Par instants, Odette nous dit : « Si c'était les motorisés, ou les tanks ? »
Itinéraire probable.
NOTES